Ce matin, je tentai d'écrire cette biographie, histoire de raconter qu'un livre en chassait un autre, que le passé était le passé, et qu'il fallait lui foutre la paix, comme disait Sénèque. Passons. Concentré devant l'écran comme une tomate, j'en étais à me gratter les petits cheveux de derrière en mordillant mes lunettes. Je ne l'ai pas entendu venir.
- Le visiteur du site : C'est ici  ta bio ? Tu parles de toi ?
- Moi : Cause plus fort, je n'ai pas mes lunettes.
- Le visiteur du site: Je veux dire, qui es-tu ?
- Moi : Bah, je suis auteur de fiction récréative. Je fais des ratures et des pâtés sur 200 ou 300 pages.
- Le visiteur du site : De quelle taille, les pâtés ?
- Moi : Une bonne taille !
- Le visiteur du site : Quoi d'autre ?
- Moi : Des romans, des biographies, et le nègre.
- Le nègre ? 
- Oui, je sais, on n'a plus le droit. On dit prête-plume maintenant.
- C'est moche. Passons. Ecrivain fantome, ça te va bien. Et puis ? 
​​​​- J'ai commis essentiellement des autobiographies, une vingtaine.
- Quoi d'autre ?
- Il y a des gens qui disent aux lecteurs des trucs sur les auteurs. Du genre, on sait ce qu'ils sont, on les connaît, ce sont des orgies sans nom entre deux livres.​ En ma qualité d'écrivain, je m'insurge contre cette idée répandue mais  fausse.
- Le visiteur du site : Tu ferais mieux de raconter ta vie à tes lecteurs, espèce de ventre mou de la littérature française.
- Moi :  Je ne sais pas quoi dire. Merci ?
- Le visiteur du site : Si tu n'es pas capable d''écrire plus de 5 lettres, c'est pas gagné. 
- Moi : Il y a quelque chose de vrai dans ce que tu dis.
- Le  visiteur du site : Espèce de sous-bonobo, vas-tu enfin parler de toi  ?
- Moi : Un jour, j'ai été contaminé par le virus de la littérature, et c'est tenace. Pour tout dire, j'ai essayé de passer à autre chose, de détruire mes manuscrits, mais je n'ai pas trouvé comment me débarrasser de cette masse considérable de papiers pour qu'il n'en existe plus rien. Impossible de la cramer sans risquer de mettre le feu à la maison, maladroit comme je suis.  J'ai bien vu des films où les types avalaient les dépêches pour qu'elles ne tombent entre de mauvaises mains, mais manger des centaines de pages m'aurait demandé deux bonnes années, au moins. Et puis, de nos jours, tous est sauvegardé dans le grand nuage, alors, j'en ai fait des livres. 
​Aloha.